Renaissance

Corwin & Co vous présente une nouvelle série palpitante, pleine d'imprévus et de rebondissements exaltants, qui raconte l'histoire d'une orpheline passée de l'ombre à la lumière. Issue des bas-fonds les plus immondes, elle finira en reine des bassins à l'issue d'un long parcours semé d'épreuves et d'embûches, mais plein d'enseignements. Vous ne manquerez aucun épisode de cette flamboyante aventure  intitulée  "Renaissance".

Je m'en vais aujourd'hui vous conter l'histoire de cette pauvre chose que par pitié j'ai acquise sur la baie pour quelques roupies britones. De marque et de type indéfinissables, elle* était dans un triste état quand je l'ai reçue d'outre Manche.

 

Quelle était son histoire? Que pouvait-il lui être arrivé pour qu'elle soit rendue dans une si mauvaise position? Nul ne sait d'où elle vient ni qui lui a donné naissance. On peut toutefois imaginer sa déchéance, elle qui autrefois trônait royalement dans la vitrine d'un marchand de jouets, qui a été la reine des jeux d'un enfant, puis qui a peu à peu été dédaignée, est tombée dans l'oubli, à qui on a arraché ses voiles, ses espars, dont le  pont a préféré la quitter pour vivre sa vie, qui a perdu son lest lors d'un déménagement, qui a été reléguée dans une obscure remise, peut-être même une cave, pour finir par être revendue à vil prix, telle une esclave âgée devenue inutile dont on veut se débarrasser.**

Toutefois, les lignes de ses 50 cm de coque ne manquaient pas d'élégance et révélaient sa noble lignée et, telle Peau d'Ane, on pouvait deviner la princesse sous la crasse et les haillons.

* En Britanie, tous les bateaux sont féminins, qu'ils soient d'élégantes goélettes en bois verni ou d'humbles remorqueurs de port en tôle rouillée. Ca permet à toutes les Anglaises de trouver un navire à qui s'identifier et à rêver qu'elles contrôlent les vagues, et ceci quelle que soit l'ingratitude de leur physique. L'Anglais a des astuces psychologiques insoupçonnées pour avoir la paix dans son ménage.

** En y réfléchissant un peu, je me suis rendu compte que moi aussi je préférais les esclaves jeunes et belles aux vieilles usées et défraîchies. Chacun ses goûts.

Dans un premier temps, la quille, qui était fendue et fixée (de travers) par deux malheureuses vis rongées par la rouille, a servi à allumer le barbecue. Ensuite, un bon décapage au Destop suivi d'un copieux rinçage au jet (jusqu'à ce que l'eau ne mousse plus) lui ont permis de se débarrasser de sa vilaine peinture. Après un coup de ponçage au grain 40 pour retirer la bosse inesthétique derrière la quille et une passe au grain de 120 pour lisser la surface, elle a déjà meilleure allure.

Comme on le pressentait, une fois nettoyée, décapée et poncée, elle a retrouvé forme humaine et révèle enfin ses courbes fines et élégantes, capables de fendre l'onde à vive allure, comme si elle ne voulait qu'effleurer l'eau pour ne pas déranger les hôtes des profondeurs en ne laissant à sa surface qu'un mince sillage brillant.

La Production, avec ses moyens limités, n'en est qu'au tournage de l'épisode 10 de la saison 1. Passe que faut pas croire, mais il faut faire vraiment le boulot pour le montrer, ce n'est pas une fiction.

Et pis dites-vous bien que, en plus du travail manuel et des prises de vue, ça prend un temps fou d'écrire tout ça et de le mettre en forme avec les images et tout et tout, mes journées n'ont que 19 heures (je ne dors 5 heures par nuit, je peux pas faire moins).

Le synopsis prévoit plusieurs saisons, chacune consacrée à un thème différent. Sans spoiler la série, je peux toutefois vous dévoiler que l'une sera consacrée aux études, passe qu'il vaut mieux réfléchir avant plutôt que se mordre les doigts après, une à la coque et à ses aménagements, une au gréement, une à la radiocommande, et qu'il y aura une saison "spéciale peinture".

La série se terminera avec la navigation, mais ce n'est pas pour tout de suite, ya encore "un peu d'ouvrage".

Le poids étant le premier ennemi de la performance, nous allons recreuser la coque pour l'alléger. Elle affiche au départ 317 g sur la balance, ce qui est quand même beaucoup mieux que le Tirot 503 qui, pour la même taille, accuse 767g. Il est vrai que le Tirot est en hêtre, qui n'est pas spécialement léger avec une densité de l'ordre de 0.7 - 0.8, alors que le bois utilisé ici ressemble à du ramin ou du samba, qui ne pèse que 0.2 - 0.3 g/cm3.

L'ébauche s'effectue avec un outil redoutablement efficace : un disque à 3 dents carbure monté sur une disqueuse petit modèle. Cet outil doit être manié avec précaution, car il entre dans la matière comme dans du beurre et enlève immédiatement tout ce qui passe à sa portée. Y compris la viande, ce qui m'a valu il y a quelques années une douzaine de points de suture au bras. Bien sûr, j'ai enlevé le carter de protection qui empêche de voir ce qu'on fait et limite l'accès aux recoins de la coque. Je ne sais pas si cet outil est toujours en vente libre, je n'en ai pas revu depuis que je l'ai acheté il y a 15 ans.

A ce stade, la coque pèse 218g, soit un amaigrissement de 32%. L'épaisseur moyenne est de l'ordre de 5 à 6 mm, mais il reste de la matière à enlever dans les fonds et aux extrémités. Ce travail étant délicat, la machine ravageuse utilisée jusqu'ici cèdera la place à un outillage moins agressif.

C'est 6 à 8 fois plus long (3 ou 4 heures au lieu d'une ½ h) et beaucoup plus difficile, notamment à cause du fil du bois qui commande le sens de travail, ce qui n'est pas toujours le plus commode aux extrémités (Il y a des jours où j'ai envie d'être ambidextre, ou à défaut temporairement gaucher). L'utilisation de gouges neuves, achetées spécialement pour l'occasion, n'y a rien changé. De plus, le fil change de sens de façon surprenante par endroits, même si le nœud qui en est la cause n'est pas présent dans la coque. Enfin, la fraise de finition a une queue un peu courte pour atteindre les recoins et n'enlève pas grand chose quand elle travaille en bout. Le bois des Star est le même que celui de notre Jane Doe, léger, tendre et facile à travailler. Le hêtre du Tirot est beaucoup plus réticent à se laisser faire et nécessite moitié plus de temps pour arriver au même résultat.
Par contre, les dents carbure n'ont pas les états d'âme de la gouge ni la timidité des stries de la fraise et se moquent du fil du bois et de sa dureté, elles tranchent aveuglément dans le vif sans se poser de question. Il faut donc manier cet outil de brute avec la plus grande délicatesse et beaucoup d'attention (sans compter que, comme je l'ai dit plus haut, il n'hésite pas à se retourner contre son maître et à l'entailler jusqu'à l'os si l'occasion s'en présente).

A bientôt.

Saison 1 - Episode 4 : Tout en délikatesse

Il est temps de sortir les outils de précision pour entamer la finition : une Dremel avec flexible équipée d'une tête à poncer à manchon interchangeable. Rien d'extraordinaire, tout modéliste se doit d'en avoir une dans son atelier.

L'action se porte plus particulièrement dans les fonds et aux extrémités, que la taille du disque n'avait pas permis d'atteindre. On en profite pour adoucir, sinon éliminer, les traces de dents laissées par cette brute de roue à pastilles carbure et amincir délicatement la coque, pour descendre à une épaisseur de 4 à 5 mm (valeur pifométrique estimée avec les doigts, mais qui ne doit pas être loin de la réalité).
 Après quelques frottages manuels et complémentaires au papier de 40, la belle a maintenant cet aspect.

La mise à nu du bois et le creusement de la coque ont révélé la présence d'hôtes hautement indésirables : profitant de la misère et de la solitude de la pauvre créature et bénéficiant de la promiscuité d'objets ou de meubles peu recommandables, des vers se sont introduits subrepticement dans ses intérieurs et ont entrepris de lui ronger ignominieusement les entrailles, la conduisant à une mort inexorable.

 

Côté intérieur

Côté extérieur

Après une nuit de sommeil réparateur, je me levai à l'aurore pour attaquer avec ardeur la tâche qui m'attendait en ce jour ensoleillé de printemps : sauver mon orpheline d'une mort certaine causée par une infestation d'agents étrangers (vraisemblablement entraînés et équipés par les FARC, si vous voulez mon avis). Qui aurait pu se douter que planait une si terrible menace lors d'une journée aussi sereine ?

Je rassemblai rapidement le matériel nécessaire.

 
 
 
 

Après avoir remporté une victoire complète et éclatante sur ces ignobles créatures (certainement liées à la mouvance islamiste radicale, si vous voulez mon avis), je passai sans attendre à la phase suivante.

PHASE 2 : TRAITEMENT CURATIF STABILISATEUR

Pour ce faire, je répétai l'opération :

*  Une première fois avec de l'acétone pure, afin de favoriser la pénétration ultérieure de la résine dans les pores du bois et d'éliminer les éventuels alcoolo-résistants.

* Une seconde fois, immédiatement après, avec de la colle époxy à laquelle j'avais ajouté lors du mélange "une bonne quantité" d'acétone pour la fluidifier et permettre son injection par l'aiguille. Je commençai par enfoncer l'aiguille le plus loin possible dans les cavités accessibles avant d'appuyer sur le piston pour diffuser le produit, avant d'imprégner toutes les surfaces externes avec le mélange.

Après une telle opération exigeant une grande attention, une parfaite coordination de l'œil et de la main et des nerfs d'acier, je regagnai mon modeste logis, fourbu mais heureux d'avoir vaincu l'adversité.

A la fin de l'opération, il est souhaitable de nettoyer le matériel pour pouvoir le réutiliser. Le reste de colle amalgamé au fond de la seringue peut être extrait sans peine avec un  couteau ou un tournevis, car la colle n'adhère pas sur le PE dont elle est faite.

La colle s'est empressée de boucher l'aiguille, et on peut s'éclater les poumons en soufflant dedans, elle ne veut rien savoir pour en sortir. Grâce à une autre facette de mes multiples talents, je possède une guitare électrique, dont je joue d'ailleurs très fort et très mal, mais ce n'est pas le propos. J'ai utilisé l'une des cordes de mon jeu de rechange pour sodomiser sauvagement l'aiguille, ce qui l'a radicalement débouchée. On choisira la corde selon la taille de l'aiguille, le mi aigu permettant de pénétrer les plus fines**.  Cet usage inhabituel d'une corde de guitare ne nuit en rien à son intégrité, elle a réintégré gentiment sa pochette après le débouchage, attendant sagement d'être montée un jour sur mon instrument**.

C'est tout pour aujourd'hui.***

* Cette expression n'est pas de moi, mais d'un auteur célèbre que vous pouvez vous amuser à découvrir. Jeu gratuit sans obligation d'achat mais sans prix à gagner, faut pas pousser. Réponse dans le prochain épisode.

** Si vous voyez là une allusion graveleuse, c'est que vous avez l'esprit mal tourné.

*** Pour reprendre la formule de fin d'épisode d'une série où l'on pompait beaucoup et que vous pouvez vous amuser à découvrir. Jeu gratuit sans obligation d'achat mais sans prix à gagner, faut pas en demander trop non plus. Réponse dans le prochain épisode.